Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
22 juillet 2011 5 22 /07 /juillet /2011 12:09

1.       Donizetti : Linda di Chamounix  par Serafin (Philips)

Un second Donizetti dans ma besace, et pas le plus connu ou le plus reconnu. Mais Linda di Chamonix appartient à ce type fleurie et mièvre de l’opéra semi-seria à cadre campagnard et j’en adore la saveur … osons le mot, j’en ai envie depuis longtemps, louis-philipparde. Le livret est d’ailleurs inspiré d’une pièce française de 1841, même si l’opéra a été créé à Vienne en italien l’année suivante. La cavatine de Linda « ce délice des sopranos que Donizetti a parfois égalé, mais jamais surpassé »* et le titre ahurissant, quand on y pense,  de l’opéra sont les arbres qui cachent la forêt. Mais enfin j’affirme haut et fort ici (personne ne viendra me contrarier sur ce point de toute manière) que pour la qualité de l’inspiration (soutenue du début à la fin de l’œuvre) c’est une des grandes œuvres du compositeur. (La fille du régiment ? Laissez-moi rire !). J’ai rarement entendu une musique aussi heureuse dans la tendresse que celle des duos d’amour entre Linda et Carlo, aussi constamment ravissante que celle que récupère l’héroïne (sa ligne de chant dans le duo bouffe avec le marquis est une des plus belles que je connaisse.) Stella, pour laquelle j’avais acheté ce disque à l’époque, manque évidemment de liberté (il ne faut pas comparer sa tentative de variation dans la cavatine avec ce que font des belcantistes « spécialistes ») mais son timbre embaume la douceur et la fleur d’oranger et sa conviction est très forte et expressive. Valleti est un merveilleux Carlo parfait dans ce registre sentimental à outrance et se montre d’une grâce énamourée parfaite. Il aurait fallu discipliner Cappechi (ses gloussements pendant son duo avec Linda donnent des envies de meurtre) et surtout se débarrasser de l’infâme Barbieri qui défigure de son graillon tout ce qu’elle touche, surtout une musique aussi volontairement frêle que celle de Pierotto.

 

 

2.       Gluck : Airs par Janet Baker (Philips)

Trois fois hélas ! Le bajablog a disparu, nous privant des lignes consacrées à ce disque indispensable. J’ai découvert Baker en Espagne, par le biais d’une cassette qui compilait du Gluck. Il y avait la scène finale d’Armide par elle (refrain connu.) La voix de Baker semblait immense et pourtant sur la réserve avec des forte grandioses. Elle donnait l’impression qu’elle pouvait libérer bien plus encore et du coup sa magicienne en devenait terrifiante et sublime à la fois (ou terrifiante parce que sublime. Voyez Burke.) Et l’orchestre massif de Leppard l’habillait d’un vêtement épique parfaitement approprié à sa lecture du personnage. Je passe sur les airs d’Orphée, sur « Divinités du Styx » (qu’on trouvera avec l’éclat du live ailleurs) pour m’extasier sur la diversité de phrasé dont pouvait faire preuve Baker qui ne déroule pas du tout Armide comme Iphigénie en Aulide, laquelle ne fait pas très jeune fille, il est vrai. Autant Baker chante la fin d’Armide en tournoyant, en s’effondrant, en se redressant, autant elle phrase les airs plus modestes d’Iphigénie en s’appliquant avant tout à créer une ligne, à rendre cohérent ces pages qu’on peut vite morceler (on peut comparer son « adieu » avec celui de Ludwig pour RCA pour comprendre ce que je veux dire.) Ce Gluck là devient tout à coup plus près de Mozart, presque Rococo, en tout cas extrêmement gracieux. Les quatre airs de Paride constituent une autre merveille. D’abord quelle inspiration (l’intégrale de studio récente avec Kozena m’avait laissé indifférent pourtant). « La Belle imagini », en particulier, expose les plus grandes qualités de Baker poète. L’érotisme délicat qu’elle distille au détour d’une nuance, l’inquiétude dans la tension d’une phrase, la palpitation de la voix toute entière renvoient tout le monde à ses cours de chant.     

 

3.       Gluck : Iphigénie en Aulide par Eichorn. (RCA)

Je n’arrive vraiment pas à aimer Moffo.  J’ai très vite le sentiment que sa texture se décolle, que son timbre devient grinçant avec un résultat à la fois un peu gras (plutôt que pulpeux) et surtout « mémère à mort ». Et puis même, dans ses bonnes années, j’entends plutôt une «belle indifférente » que la tragédienne dont on parle parfois. Sa Zerline est épouvantablement molle par exemple. Bref je n’ai pas acheté cette Iphigénie allemande pour elle et je lorgne parfois vers la version Böhm. Mais le reste de la distribution est éblouissant, en particulier le couple de parents. Dietrich Fischer Dieskau  au plus haut de sa séduction vocale et comme toujours dans ses années là non seulement appliqué et concentré sur le détail mais en plus moelleux, ductile, juvénile (trop peut-être pour les rôles de pères qu’il jouait souvent), élégant. C’est un lieu commun de le dire mais, oui, il chante parfois Agamemnon avec la même délicatesse que du lied, sans oublier jamais d’être princier. Face à lui Trudelise Schmidt impose sa stature et sa grandeur, avec une voix évidemment lourde et un timbre peu amène. Le vibrato est trop large et la beauté vocale ne sera pas au rendez-vous. Mais personne ne doute de sa force et de sa puissance. Le poids de sa présence est considérable et ses monologues plein d’angles forcent l’écoute. Une reine. Je ne m’attarde pas sur Spiess en Achille, pour qui j’ai une faiblesse coupable, ténor à la fois trop clair et trop fruste, sorte de McCracken au petit pied. Stewart est un noir et viril Kalchas, Auger éblouit par sa facilité justement surnaturelle en Diane. Dommage pour Moffo (enfin, à la réécoute elle n’est pas si mal et finalement tout à fait éloquente en allemand), peut-être, mais Eichorn emporte l’orchestre dès l’ouverture et joue sa partition comme on la rêve.

   

4.       Gluck : Extraits d’Iphigénie en Tauride par Gardiner. (GLH)

L’association Gardiner-Jurinac, à Covent Garden, rien que ça, avec Massard en Oreste, que les choix éditoriaux sacrifient allègrement. Pourquoi diable ne peut-on entendre cette version dans son entier ? Jurinac est extraordinaire, en 1973 encore, de densité. L’émission est fabuleuse et même les tensions dans l’aigu, qu’elle projette très haut, participent au drapé de l’ensemble. De toute manière je suis persuadé que Gluck voulait faire crier ses interprètes. On ne comprend pas un traitre mot à son Iphigénie, mais on fera semblant, pour se repaitre de ce marbre animé, de cette noblesse constante et indispensable ici, du fleuve vocal qu’on perçoit bien dans le médium. La tessiture lui convient finalement puisqu’elle peut se chauffer tout en bas et brûler sa ligne sans trop s’astreindre à des notes filées qui ne lui ont jamais été congénitales. Bref, on tient le pendant, pour le tragique, de son Elettra mozartienne contemporaine. Massard est merveilleux, ne serait-ce que d’articulation expressive en français, dans le peu que l’on entend, et Jean Bonhomme probablement trop sucré, trop mixé, trop galant, un peu châtré pour Pylade, mais finalement pas sans charme. Gardiner est déjà Gardiner, avec les qualités de transparence et de lisibilité, mais aussi le sens dramatique qu’on attend de lui et qui ne relèvent pas de la légende. Les extraits ont au moins l’avantage d’être copieux et de recouvrir quasiment l’intégralité du rôle d’Iphigénie.

 

 

 

5.       Gounod : Messe solennelle de Sainte-Cécile par Markevitch (DG)

Je ne savais pas quel Faust choisir, alors je me suis tourné vers cette Messe qui est presque un opéra de toute manière. Je proteste vigoureusement contre le label « Catholicisme pour les nuls » et je crie le poitrail découvert mon droit à aimer cette œuvre. Certes elle est d’une déconcertante facilité et on a vraiment le sentiment qu’elle est arrivée tout droit jusqu’à Gounod, sans que celui-ci se pose la moindre question : toute faite avec ses tours charmeurs et sa ferveur gracieuse, ses chœurs pompiers et chantants, ses arabesques instrumentales. C’est un peu l’équivalent du Sacré Cœur en (sacrée) musique, mais en fait j’ai toujours eu beaucoup d’amour pour le côté conservateur du XIXème siècle.  Et puis Markevitch est extraordinaire : la comparaison avec Plasson, lent, mou et dégoulinant, est édifiante. On entend tout à coup non pas une noblesse (c’est évidemment de l’art « petit-bourgeois, et tant mieux, après tout j’en suis un, de petit bourgeois), mais une élégance, un chic qui provient, sans aucun doute, de la sécheresse de la battue, de sa vigueur, de son refus manifeste du trop joli et du rubato. En conséquence ça devient joli comme il faut et rythmiquement admirable. Seefried semble extraordinairement en voix en 1966 (l’émission est vraiment très légère, plus qu’à l’accoutumé) et j’adore ce que font aussi bien Stolze (mais oui) que Uhde. Equipe allemande, sérieuse et modeste, au service de l’œuvre, avec des timbres et des manières pourtant éminemment personnels.    

 

 

* Je plagie sans vergogne Tubeuf qui évoquait lui le rondo final de La Dame du Lac

 

 

 

 

Partager cet article
Repost0

commentaires

M
<br /> Une nouvelle Iphigénie de Gluck sauce Wagner :<br /> <br /> <br /> http://www.jpc.de/jpcng/classic/detail/-/art/Christoph-Willibald-Gluck-Iphigenie-in-Aulis/hnum/4070270<br /> <br /> <br /> Je devine que Trudeliese Schmidt peut dormir tranquille <br />
Répondre
L
<br /> Vous savez, vous êtes un peu mon Jean Cabourg : je me laisse influencer par ce que vous écrivez, et quand vous dites que Hoppe est impérial et barytonnant dans Schumann, eh bien je remue la queue<br /> (c'est une métaphore puisque je suis un Ange).<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> De là à me taper la Favorite, même en allemand, faut pas pousser non plus !<br /> <br /> <br /> Même avec Presque-moi (Otto von Rohr)<br /> <br /> <br /> l'<br />
Répondre
L
<br /> mais c'est nouveau cette passion pour Hoppe ????<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Et je suis sûr que vous ne connaissez pas sa Favorite avec presque-moi :<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> http://vocal-classics.com/product_info.php?info=p1217_Donizetti---Die-Favoritin--2-CD-.html&XTCsid=5d83f49f2a9ee6d8877ec64de8b9c88d<br />
Répondre
M
<br /> Au fait vous connaissez la version de la Messe de Ste Cécile enregistrée à Paris avec Lorengar, Hoppe et Crass ? Je me demande ce que ça donne. Rééditée récemment avec la Messe allemande de<br /> Schubert :<br /> <br /> <br /> http://www.jpc.de/jpcng/classic/detail/-/art/Charles-Gounod-1818-1893-Messe-G-Dur-op-12-C%E4cilienmesse/hnum/4932918<br />
Répondre
M
<br /> <br /> mais la dimension bouffe d'Elvire n'est-elle pas intelligemment assumée ?<br /> <br /> <br /> Je ne sais pas trop comment il faut l'entendre.<br /> <br /> <br /> D'autre part, je comprends mal aussi pourquoi cette relégation de la version de Giulini dans l'enfer discographique. Moi j'ai commencé avec et ça ne s'oublie pas.<br /> <br /> <br /> A propos de Stella, c'est quand même étrange ces histoires de timbre !!! C'est justement celui la qui me semble si impersonnel que j'en viens à oublier ou à passer à côté de ces qualités de<br /> chanteuse que vous avez bien décrites.<br /> <br /> <br /> @Monsieur Taupe: Grubi? Non, merci!<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre