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25 juillet 2013 4 25 /07 /juillet /2013 12:50

 

[Vous m’excuserez mais j’ai un blog à clôturer.]

1969 a pour particularité, du point de vue “oscarisant” qui nous occupe, de susciter des passions dévastatrices, quatre, au moins, des nommées, provoquant, dans leur rôles respectifs, des déchainements d’amour de la part des gens atteints de cinéphilie ou de gérotonphilie, c’est selon le point de vue. En ce qui me concerne, en effet, trois d’entre elles sont importantes à mes yeux (y compris la mal aimée du groupe). Voyez plutôt la liste en question (qui recoupe entièrement celle des Golden Globes, catégorie drame) :

  • Geneviève Bujold pour Anne des mille jours (Jarrott)
  • Jane Fonda pour On achève bien les chevaux (Pollack)
  • Liza Minnelli pour Pookie/The Sterile Cuckoo (Pakula)
  • Jean Simmons pour The Happy Ending (Brooks)
  • Maggie Smith pour Les belles années de Miss Brodie (Neame)

Je peux déflorer immédiatement la fleur de mon secret. Geneviève Bujold, presque star des années 1970, est l’actrice mal aimée dont je parlais immédiatement. Non pas qu’elle soit un objet de mépris, sa filmographie parle pour elle, mais cette nomination (l’unique de sa carrière, ce qui me la rend d’autant plus précieuse en quelque sorte) est souvent considérée comme imméritée. Bujold, « it girl » du temps, remporta le Golden Globe pour ce rôle et faisait sans doute figure de favorite pour l’Oscar. Elle jouait Anne Boleyn, aux côté de Richard Burton en Henri VIII, dans un film historique prestigieux, adapté, comme la Jeanne d’Arc de Bergman, d’une pièce de Maxwell Anderson. Anne des mille jours fut couvert de nominations. L’actrice qui soutenait le caractère éponyme ne pouvait pas y échapper, même si le personnage d’Henri VIII est probablement plus important encore. Disons immédiatement que Geneviève Bujold, quoique canadienne, correspond très exactement à l’image que je me fais d’Anne Boleyn. Son petit visage têtu, sa grâce capricieuse, sa silhouette souple, mais pas exempte de quelque chose d’un peu dure, imposent tout de suite cette distribution et le couple formé avec le souverain puissant de Richard Burton fonctionne. C’est d’ailleurs dans les moments où la reine est le plus autoritaire, le plus directement dans des situations de confrontation que l’actrice est la meilleur, le contraste qui nait de sa fragilité imparente confrontée à l’acuité de sa diction, à la force de son timbre, étant particulièrement effective. Elle contrôle parfaitement cet aspect (important) de son interprétation, puisque Anne Boleyn évolue visiblement, d’une presque petite fille déjà volontaire mais sans avoir encore les moyens vocaux et physiques de ses ambitions, à une reine tempétueuse. Le début du film est d’ailleurs le moins intéressant pour l’actrice qui est peut-être dépassée par la complexité de certains aspects du rôle. On ne distingue pas toujours très bien quels sont les sentiments qui font agir la jeune femme (haine, ambition, amour ?) mais le scénario n’est pas toujours explicite. Il est possible que cette ambigüité soit d’ailleurs voulue, par l’interprète elle-même, puisqu’à partir de la scène d’amour avec Richard Burton, où elle révèle sa sincérité, son interprétation devient systématiquement non seulement convaincante mais encore captivante et habitée, dans un registre théâtral « noble » auquel je suis particulièrement sensible. Le monologue qui donne son titre est film est superbe pour la diction comme pour l’expression et fait honneur Bujold, actrice peu orthodoxe mais capable de s’élever aux hauteurs académiques quand elle le voulait bien (et notons, au passage, que les « r » roulés lui vont particulièrement bien).

 

 

 

Jane Fonda est la première « fille de » que nous rencontrerons cette année. Elle était, jusqu’à là, considérer surtout comme un phénomène dans l’aristocratie hollywoodienne et comme un ravissant visage. On achève bien les chevaux, vite appelé à devenir le classique que l’on sait, renversa la vapeur et offrit à l’actrice toute les distinctions possibles (y compris le prix de la critique new-yorkaise). Avec le recul on réalise à quel point, en réalité, le rôle convenait à Fonda. La plupart des personnages qui allaient assoir son autorité en tant qu’actrice dramatique auraient les mêmes caractéristiques de fierté et d’intelligence, de supériorité en somme, que l’interprète savait dispenser à loisir. Je n’ai pas vu le film depuis longtemps, j’ai simplement regardé quelques extraits pour me rafraichir la mémoire et ce que j’ai observé renvoie assez exactement à mon souvenir, d’ailleurs positif, même si Fonda m’a plus intéressé ailleurs. Quoiqu’il en soit on comprend l’impact qu’a pu avoir à l’époque une interprétation à la fois flamboyante et d’une école autant que possible éloignée des manières théâtrales d’une Maggie Smith, par exemple. Le charisme de Fonda, l’histoire d’amour fusionnelle qu’elle entretient avec la caméra, sa beauté évidemment aussi, rendent sa performance, dans un rôle à sa mesure dramatique, inoubliable d’autant que sa superbe la mène très loin du misérabilisme qu’on pourrait parfois craindre. Pas de mesquinerie possible chez elle (on ne le suspecte pas une seconde d’avoir saccagé la robe de la pauvre Susanna York) et une capacité indispensable à susciter la sympathie du spectateur. L’anthologique et célébrissime scène finale où elle s’effondre épuisée avant de demander la mort est superbement menée évidemment, d’un point de vue dramatique. Cependant je ne peux pas m’empêcher de me dire que le rôle est, à sa manière, relativement facile et que, peut-être, une interprétation plus terrienne, d’apparence plus médiocre eut été plus riche, plus surprenante (en un sens York a un personnage plus intéressant quoique caricaturale).  

Deuxième illustre rejeton de ce que Hollywood comptait de plus prestigieux, Liza Minelli était, comme Jane Fonda, nommée pour la première fois. Son interprétation et son personnage, Pookie, ont des supporteurs inconditionnels et certains moments du film sont devenus, comme ne disent plus les jeunes, cultes. Comme pour sa concurrente on assistait vraiment ici à l’épanouissement d’une personnalité cinématographique. La singularité physique de Liza Minelli semblait la rendre idéale pour littéralement incarner la singularité morale de son personnage. Plus encore sa sensibilité cinématographique exacerbée devenait le reflet des incertitudes de Pookie. Comme si les souffrances expressives de Minelli, à qui chaque mouvement du visage semble couter, épousaient les ombres et les souffrances qu’une autre actrice aurait peut-être atténuées. En un sens, tout particulièrement dans ce rôle, je vois bien la filiation existant entre la mère et la fille dotées toute les deux d’une émotivité à fleur de peau, facilement traduites par des larmes qui ont toujours l’air extrêmement sincères, naturelles, vraies. A dire vrai je ne suis pas particulièrement sensible devant ce type d’interprétation et paradoxalement, je réalise que, pour que je sois touché, il est nécessaire que je sente (inconsciemment évidemment) un peu plus de maîtrise et de technique. Là j’avais l’impression, pendant la (très belle) scène du téléphone en particulier, que c’était davantage Liza Minelli qui exprimait son mal être qu’un personnage fictionnel. Un bon jeu naturaliste (et je ne suis pas particulièrement client non plus de cela) aurait eu plutôt l’effet de me faire oublier l’actrice pour me permettre de me concentrer parfaitement sur le personnage. Un grand jeu « tout court » atteint à l’équilibre entre la star/le comédien et le rôle. Cela dit, je comprends parafaient l’enthousiaste que cette interprétation vive, tendue, profondément juvénile (alors que Liza Minelli n’était plus tout à fait une adolescente) a pu générer. Même s’il ne faut pas sous-estimer la part sentimentale de la nomination évidemment, le film et l’actrice étaient d’assez bons reflets d’un nouveau cinéma qui se voulaient moins parfait et pourtant meilleur.

 

 

 

Autre nomination, après celle de Bujold, qui me réjouit particulièrement, celle de Jean Simmons, honteusement oubliée par l’Académie depuis 1948 ( !). Le scénario construit sur mesure par son célèbre mari de réalisateur (Richard Brooks) lui permit une douce revanche, neuf ans après avoir été snobée pour Elmer Gantry, du même Brooks. The Happy Ending est un spectaculaire portrait de femme quadragénaire, qui avait tout pour permettre à une actrice talentueuse (et Dieu sait si Jean Simmons l’était) de se faire distinguer même par le plus obtus des spectateurs. Passons sur les petites couettes des premières scènes (l’actrice est censée avoir vingt-cinq ans) lesquelles n’ont pour fonction que d’illustrer un bonheur préconjugal enfui (c’est le thème du film). Il vaut mieux s’incliner devant le portrait à la fois amer, triste et plein d’humour qui est fait du caractère, rendu, malgré les défauts évidents du personnage, éminemment sympathique. On ne sait pas trop sur quoi s’arrêter le plus. Les scènes d’ivresse peut-être, toujours compliquées à négocier, sont là abordées avec une légèreté de touche finalement réaliste (il ne s’agit aucunement de distance vis-à-vis du personnage), qui ne permet pas d’oublier pourtant ce que le comportement du personnage peut avoir d’inquiétant. C’est à mettre en parallèle avec certains passages tragiques que l’actrice traite avec la grâce et l’humour qu’elle prête à son personnage (Jean Simmons était, peut-être avant tout, une délicieuse comédienne) : le strip-tease improvisé, en pleine dispute avec son mari, est hilarant. L’interprète ne se moque pas de son caractère, c’est le personnage lui-même qui se moque du monde. En ce sens l’interprétation sert merveilleusement un scénario intelligent et riche, fondé sur la psychologie de l’héroïne, plus que sur une suite de péripéties. Quand elle réalise que celui qu’elle prend pour un séducteur est en fait un gigolo, on peut comprendre que cela ne soit pas source de souffrance réelle ou de drame pour Mary, qui se sort d’une situation délicate avec la juste distance que le spectateur attend d’elle. L’ironie merveilleuse équilibre toujours les chagrins et les larmes (d’ailleurs peu exploitées par l’actrice, à la mélancolie aisée et naturelle) et évite donc une lecture mélodramatique du scénario (ce qui n’aurait peut-être pas aussi bien fonctionné et aurait en tout cas donné un caractère moins original à l’interprétation). Un chef d’œuvre de délicatesse et aussi, pour une femme qui avait fait ses classes plus de vingt ans auparavant, de modernité. Dommage que le film soit rare, il mériterait d’être davantage connu, ne serait-ce que pour Simmons.

Une autre Britannique remporta la précieuse statuette cette année là, elle aussi pour sa deuxième nomination. Plus jeune que Simmons, Maggie Smith était en passe de devenir une légende du théâtre. Mais depuis plusieurs années, elle s’essayait avec succès (succès qui, d’une certaine manière ne s’est jamais vraiment démenti en cinquante ans) au cinéma. On ne savait pas très bien encore si on avait affaire à une actrice de caractère ou à une leading lady et ce type de considération ne comptait pas vraiment dans le cinéma anglais. Elle récupéra donc le premier rôle de l’adaptation d’un roman célèbre (et excellent) de Muriel Spark, Les Belles années de Miss Brodie. En jouant un professeur écossais, Maggie Smith n’anticipait pas sur ses prestations volontairement pincées et chics qui devaient la rendre célèbre. Son accent est magnifique, moins appuyé que celui adopté par Celia Johnson qui joue (très bien) la directrice du collège. Au-delà de l’aspect purement technique, autant préciser immédiatement que Jean Brodie est un régal pour une actrice de la trempe de Maggie Smith, laquelle est en mesure de s’exercer à la caricature dans les limites étroites qui évitent la farce. On est du côté des Femmes savantes plus que de celui des Précieuses ridicules. Le festival interprétatif auquel se livre l’actrice, perceptible dans le moindre mouvement (cette manière de relever l’avant-bras et de plier la main, par exemple, quand elle marche et qu’elle veut impressionner son interlocuteur pour ne rien dire de sa démarche presque trop aisée et gracieuse), dans la moindre inflexion (on pourrait citer l’intégralité de ses répliques), est d’autant mieux venu que Miss Brodie se met en scène constamment (une de ses élèves lui dit à un moment  « mais quand est-ce que vous arrêterez de poser ? »). Les rares instants de réelle sincérité (le dernier échange avec Pamela Franklin) montrent le personnage comme nue, débarrassée de ses oripaux, et, tout à coup, bouleversante après avoir été si souvent à la limite du ridicule, y compris quand elle se croyait sublime. Mais, au-delà de cet aspect qui relève du talent naturel de l’actrice à exprimer des émotions, on en revient toujours à ce sublime dans la composition qui fait qu’on la regarde dans le rôle comme on écouterait une grande chanteuse lors d’un récital, autant pour elle que pour la partition qu’elle joue, la pure virtuosité (qui n’est pas une simple rapidité précise) du discours et du geste ne faisant jamais oublier ce qui nous est raconté à l’écran : l’égoïsme et presque la bêtise, sous l’affectation de la culture et de l’intelligence. Un régal, donc, qui lui valut un oscar bien mérité (même si Simmons ne l’aurait pas volé) ainsi, bien entendu, qu’une récompense aux Baftas.  

 

 

Les Golden Globes côté comédies/musicals me plaisent aussi beaucoup cette année, en particulier Ingrid Bergman dont j’adore l’interprétation de la secrétaire désabusée de Walter Mathau dans Fleurs de Cactus. Je pense d’ailleurs que je remplacerai volontiers Minelli ou peut-être même Fonda par la Suédoise, rien que pour le passage où elle danse en boite de nuit, qui m’a fait hurler de rire. Mais Anna Magnani est superbement à son aise dans Le Secret de la Santa Vittoria et on peut difficilement ne pas trouver Barbra Streisand brillante dans Hello Dolly (sans compter qu’elle chante comme une déesse, même Bernstein le disait). On pourrait aussi parfaitement admettre, avec les GG, que Dyan Cannon est un rôle principal dans Bob et Carol et Ted et Alice. Pour terminer j’avoue ne pas avoir vu Shirley MacLaine dans Sweet Charity, autre nommées (elles étaient nombreuses cette année) aux GG et apparemment un des rôles importants de l’année. Mea Culpa. Je suis un mauvais vidame. Et en plus j’avoue que je serais plus curieux de voir les débuts au cinéma d’Ali MacGraw dans Good Bye Colombus. Hélas c’est devenu invisible.

Après réflexion voilà ma proposition qui reflète surtout ma profonde subjectivité (mais après tout je suis là pour me faire plaisir) :

 

  • Ingrid Bergman pour Fleurs de Cactus (DVD zone 2 avec STF. Se trouve dans une édition italienne).
  • Geneviève Bujold pour Anne des mille jours (DVD zone 2 avec STF)
  • Jean Simmons pour The Happy Ending
  • Maggie Smith pour Les belles années de Miss Brodie (DVD zone 1 avec sta ou VF)
  • Barbra Streisand pour Hello Dolly (de Gene Kelly. Bien connu des gens de goût).

 

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commentaires

T
<br /> J'aimais bien Geneviève Bujold.<br />
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K
<br /> Francesco, écoute la voix de Ste Catherine ! Ne clôture pas ce blog, laisse la porte ouverte, pense à toutes les zweite Garnitur qui attendent de revivre par toi et presque-toi, songe à<br /> Humperdinck, songe à Noël, à Pâques, à la Trinité !<br />
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C
<br /> C'est vrai que Barbra Streisand est très bien en Dolly Levy, mais je pense qu'elle souffre du film qui n'est pas bien mis en scène, hormis les scènes de danse, mais bon cela aurait été quand même<br /> nul que Gene Kelly ne réussisse pas ce qui fit le fleuron de ses grandes comédies musicales, le reste est quand même un peu convenu.<br /> <br /> <br /> Et même si tu veux arrêter les Oscars à 1970, rien ne t'empêche de continuer ton blog, tes articles sont passionnants y compris ceux sur Joséphine Barstow. Tu donnes systématiquement envie de<br /> voir ou d'écouter ce dont tu parles !<br />
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