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23 août 2015 7 23 /08 /août /2015 14:40
En attendant Güden II

 

 

On a réédité un certains nombres de récitals de Güden pour Decca (collection « Most Wanted recitals » … j’en reparlerai). J’en dis quelques mots, pour compléter le propos du dernier article.

Il est assez logique que je commence par le disque titré Mozart Arias by Hilde Gueden. La jaquette proposée correspond en réalité à une compilation, le disque lui-même est plus ordonné. D’abord quatre Mozart, dirigés par Albert Erede (dont le motet), ensuite six airs d’opéras, avec cette fois Clément Krauss (Mozart et deux extraits de Rigoletto). Enfin le « Verdi et Puccini récital », où l’on retrouve (hélas) Erede.

Allons dans l’ordre et, en conséquence, commençons par le pire : Un « Exultate Jubilate » difficilement supportable, dirigé à la truelle et à la mélasse, sans foi, spiritualité ni même simplement énergie. Güden trouve quelques accents dans la première section, mais s’enlise progressivement (c’est assez courant chez cette chanteuse, finalement prudente, que cette volonté « d’aller jusqu’au bout » quitte à perdre en chemin l’esprit et le caractère), incapable de se dépêtrer du crime commis par le chef. On a fusillé pour moins que ça. Le reste est plus beau, quoique la direction mortifère n’aide personne. « L’amero, saro constante » est d’abord un hommage au timbre et à la musicalité de la chanteuse qui s’en empare. Güden y dispense les siens avec art, avec surtout une tendresse et un miel consubstantiels à sa manière. Pas de vrais beaux trilles, à peine des esquisses, pas toujours très jolis, mais une instrumentalité lumineuse dans le jeu avec le violon. Les airs de Pamina et de Susanna suivent (avec le deuxième on arrive à la section Krauss et, rarement, j’ai aussi bien entendu un changement de chef pendant l’écoute d’un compact. C’est le même orchestre, pourtant). Dans « Ach, ich fül’s », on préfèrera l’accomplissement de l’intégrale avec Böhm, où la solitude se découvrait et touchait plus nettement mais pour Susanna, je ne suis pas loin de penser que ce sont les meilleures versions qu’elle ait données de pages qu’elle connaissait bien. Le premier est absolument délicieux, virevoltant d’accents et de nuances, ravissant de couleurs. Les Mozart dirigés par Krauss ont une tenue encore supérieure, c’est de ce côté-là que je serais allé chercher les compléments des intégrales pour Diapason. L’air des marronniers, précédé par un récitatif absolument senti, est chanté ou plutôt fredonné avec une simplicité pleine de tact, rien n’est murmuré ou esquissé, les nuances comptent moins que la ligne et l’invitation évoque les mottes de foins plus que les matelas de plume. « Se il padre perdei » (sauf erreur,  Güden n’a jamais chanté Ilia à la scène) est une rareté intéressante, mais, la voix, assez mal à l’aise dans cette tessiture, peine à évoquer naturellement les souffrances tragiques et l’Antique n’est pas le domaine de la chanteuse. Elle convulse un peu, accentue avec sensibilité et, parfois, touche juste, mais le personnage est décidemment trop loin. Avec « Non temer, amato bene », elle bénéficie du violon merveilleusement expressif et chantant de Willi Boskovsky et offre une lecture  qu’on ne craindra pas de comparer avec celle d’Irmgard Seefried (que j’ai toujours considérée comme difficilement dépassable dans cet air) : Güden est radieuse, ardente et manifestement inspirée par son partenaire. On est d'ailleurs plus proche d’une espèce de pas de deux amoureux pour instrument et voix que d’un simple air (de concert ou non). Ces cinq minutes vaudraient presque à elles seules l’achat du disque, si elles n’étaient complétées par un « Voi che sapete » de rêve qui a autant de prix. Abordé avec la même fausse candeur (mais qui chez Güden paraît toujours vrai) que l’air de Susanna du même récital, il offre à peu près tout ce qu’on peut attendre d’un grand Chérubin : rondeur, chaleur et grâce sans maniérisme. La féminité de l’artiste n'interroge pas et on pense à Yvonne Printemps chantant l’air de Fortunio dans La Valse de Paris sans œillade ni roucoulade. Güden a, pareillement, les mains jointes sur son petit chapeau d’officier.  On se console du ratage Furtwängler, dont elle n’était pas responsable.

Passons ensuite sur les extraits de Rigoletto (dont le début du deuxième duo Gilda-Rigoletta réduit au récit de l’enlèvement), toujours parfaits (et, cette fois, avec un joli presque trille) mais qu’on connaît en intégrale, live et studio, sans qu’on puisse parler d’une qualité supérieure. Quoi qu’il en soit, je continue de penser que c’est le plus beau rôle de notre Mozartienne et Straussienne viennoise. On écoutera, en revanche, le grand air de Violetta pour mémoire (Güden a enregistré pour DG une sélection en allemand) et la poignée de Puccini (l’inévitable "O moi babbino caro" et les airs de Liu) parce qu’elle y est parfaitement digne et l’émission couverte, les aigus droits, comme le timbre précieux, qui évoque assez souvent celui de Schwarzkopf, ont le charme de l’inédit dans ces pages rabachées. Absolument féérique, comme il se doit, enfin, « Sul fil d’un soffio etesio » qui semble écrit pour le sourire en voix et les sons filés de Güden. Difficile de ne pas tomber amoureux de cette Nanetta ballerine qui illustre merveilleusement ce qu'est un soprano lyrique léger. Soubrette ? Qui a dit soubrette ?                

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commentaires

D
Des mottes de foin et des matelas de plume ? <br /> Vous n'auriez pas un problème au niveau du concret ?
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K
Si si, elle a chanté Ilia sur scène, il y a une photo dans L'Avant-Scène, c'était à Salzbourg en 1951 avec Solti, Schock en Idomeneo, Richard Holm en Idamante.<br /> Pourquoi parlez-vous de ratage à propos des Noces de Furtw où elle fait Chérubin ? Je ne connais qu'un extrait, et Güden et Schwarzkopf m'avaient impressionné.
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L
Je n'ai pas du tout aimé ce que j'ai entendu de ces Noces (youtube), pour ma part (j'en dis un mot dans l'article précédent), j'ai même trouvé Seefried moins vive qu'à l'habitude, vraiment, j'ai eu l'impression d'autant de poids et de lenteur que Böhm studio ou Klemperer mais avec quelque chose d'un peu malpropre en plus et le sentiment que les chanteurs étaient englués. Le Fricsay avec Grümmer et Güden en Suzanne m'a semblé (version en allemand vs version en allemand) d'une beauté bien plus grande. <br /> <br /> Le Vidame