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10 octobre 2010 7 10 /10 /octobre /2010 15:32

 

J’inaugure aujourd’hui une nouvelle rubrique dans le blog trop longtemps déserté. C’est une nouvelle preuve que je suis prêt à tout plutôt qu’à travailler. J’y confierai donc mes plus génantes déviances d’ordre musical et assumerai mon goût en matière de musique anglaise, de plum pudding et de bel canto fleuri. Je baptise ce coin obscur du blog le « Richard’s corner » en hommage au grand Richard Bonynge auquel je dois beaucoup de joies.

Saurais-je par exemple qui est Lauris Elms sans Bonynge ? Vraissemblablement non. Il n’est pas pour rien dans l’engagement de cette Australienne pour chanter, avec Madame, les extraits fameux de Montezuma et de Griselda (désormais introuvables à un prix décent d’ailleurs). Et des années plus tard Elms sera à Sydney l’Azucena, l’Arsace, la Bradamante de Sutherland. Elle s’était fait un nom assez solide aux Antipodes pour se permettre de publier ses mémoires dans son pays d’origine et de discourir sur Schubert en interview. Et même de l’enregistrer tardivement (1995) pour une firme indigène « l’Australian Broadcasting Corporation ». Ma curiosité toujours en éveil dès qu’un nom est de consonnance britannique s’est enflammée à l’idée de ce disque rare (illustré par un portrait représentant une dame en violet ressemblant étonnament à Edita Gruberova, les épaulettes en moins) d’autant que j’aime beaucoup la Didon de la dame dont Gala a gardé une trace (c’était pour la création, en version abrégée de l’œuvre de Berlioz en Australie. Margreta Elkins chantait Cassandre). Le programme est pourtant d’une insigne banalité et a été illustré par de plus grands timbres et des personnalités plus universelles. « An die Musik », « Gretchen am Spinnrade », « Du bist die Ruh », « Die junge Nonne », « Suleika », « Ganymed », … on dirait un disque de Ferrier (à laquelle Elms pense certainement) complété par les quatre « Mignons Gesang » et les trois « Ellens Gesang ».  Toujours est-il qu’au lieu d’écouter ces pages par Seefried, Baker, Fassbaender, Schwarzkopf je reviens régulièrement à ce disque (où Elms est accompagnée de manière assez démonstrative par John Winther dont le piano un peu métallique semble mis au premier plan par les preneurs de son) auquel je trouve énormément de charme. D’abord si ses choix ne montrent guère d’originalité ils conviennent parfaitement à son étoffe sombre et, après tout, quel plaisir d’entendre ces pages inspirées se succéder sans un moment de faiblesse. Ensuite le temps ne semble pas avoir atteint la trame des moyens de la chanteuse. Un vibrato serré résonne désormais comme un grelot sur l’ensemble de la voix, mais la tenue est réelle et la texture ne se détend ou ne se durcit jamais (d’ailleurs il est symptomatique que le vibrato se soit resseré au lieu de s’élargir) et Elms ne donne pas l’impression de se rabattre sur ce répertoire pour camoufler d’éventuelles failles. Tout est puissant et concentré. Evidemment on préfère pour Gretchen ou Mignon des timbres plus juvéniles ou bien la sveltesse presque athlétique qu’avait Ferrier, autre voix sombre, dans ces mêmes pages. Elms ne détimbre jamais, et la voix garde toujours un naturel et une fluidité qui se paye par des couleurs naturellement charnues, parfois trop capiteuses, renforcé par quelque chose d’un peu lourd (perceptible dans les pages les plus virtuoses) et de peu souriant que le phrasé et les nuances s’appliquent à corriger. Une belle et honnête voix d’opéra, avec des forte éclatants, des graves qui partent de la poitrine (j’aime beaucoup leur couleur, particulièrement perceptible dans un spectaculaire « Aufenthalt » du Schwanengesang qui rappelle ce que faisait Kassarova dans son récital RCA) et une espèce de vaillance noble très vocale, qui offre sa sensibilité et son esprit à ces pages compliquées sans s’inventer des moyens qu’elle n’a pas, sans trahir sa nature profonde mais avec une compréhension naturelle des variations de climat et d’humeur nécessaires, c’est assez rare pour être signalé. Au final sans le génie et la singularité des grands de ce répertoire, Elms réussit son Schubert à force de respect et vraissemblablement d’amour pour ce répertoire. On sent que chaque page a fait l’objet d’une réflexion qui se traduit, sans aucun effet extérieur à la musique, par des délicatesses déposées comme des fleurs, par un ton tour à tour tendre et inquiet (« Gruppe aus dem Tartarus » presque sourd avant l’explosion, quasi wagnérienne, des dernières mesures), par des suspensions, des soupirs et des silences, une manière d’éteindre le son et de saisir les mots. Il faut comparer avec ce que des noms bien plus grands ont fait subir au lied (je pense à Milanov, à Caballé) pour comprendre qu’Elms est avant tout une musicienne.            

 

 

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