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4 août 2010 3 04 /08 /août /2010 21:17

 

La saison 1932-1933 fut la plus longue de l’histoire de l’Académie (des films purent être sélectionnés sur 17 mois pour permettre de reprendre directement en 1934). A contempler le palmarès, côté actrices, on est d’autant plus déçu par le relatif manque d’intérêt des prestations en lice.

 

·         Katherine Hepburn pour Morning Glory

·         May Robson pour Lady for a day/Grande dame pour un jour (Capra)

·         Diana Wynyard pour Cavalcade (Lloyd)

 

C’est avec la moins célébrée des trois que j’ai passé le meilleur moment. Diana Wyniard, une actrice anglaise qui n’eut jamais réellement de rayonnement international fut nommée pour la seule fois de sa carrière pour un rôle prestigieux dans l’adaptation de la pièce de Coward : Cavalcade. Le film américain (il a été produit par le Fox) mais se voulant anglais remporta un succès critique certain, sanctionné par une pluie de nominations et, finalement, par l’oscar pour lui et pour son réalisateur. Il ne fait pas de doute que les votants furent impressionnés à la fois par la participation de l’actrice à un film aussi important, par son profil britannique et par la transformation physique que, comme Helen Hayes dans Madelon Claudet, Wynyard dû subir, le scénario se déroulant sur plus de 30 ans.  Cavalcade est disponible en VHS aux USA, mais n’est jamais paru en DVD, fait rarissime pour un film ayant remporté un oscar. C’est dire la relative obscurité dans lequel il est tombé, même s’il ne manque pas de charmes et que quelques séquences (celle du paquebot, avec sa chute) sont vraiment réussies. Dès son entrée Wynyard est dans son élément, et on peut difficilement imaginer une caractérisation plus juste que ce soit au niveau de la silhouette, de la gestuelle ou de la diction, d’une dame de la bonne société édouardienne. D’ailleurs ses meilleures scènes sont sans doute celles où elle a le moins à faire et beaucoup à être. Elle réussit parfaitement, avec un instinct très sûr pour la conduite physique d’une femme du monde, ses séquences avec son ancienne femme de chambre (en particulier celle où elle croise le mari, ivre, de cette dernière : la façon qu’elle a de détourner le regard est d’une idéale correction.) Dès lors on lui pardonne sans trop de difficulté cette manière emphatique de jouer les scènes émotives (trop nombreuses dans le film et assez convenues), d’autant que le surjeu est d’abord vocale. Quand la caméra saisit simplement son visage bouleversé le résultat peut être très prenant et sa contre-célébration désespérée de l’armistice de 1918 est véritablement émouvante. Mais à d’autres moments la prestation de l’actrice (trémolos dans la voix et regards inspirés) porte son âge et rend difficile la pleine adhésion pour le spectateur contemporain. Cependant c’est surtout par comparaison avec certaines actrices particulièrement modernes de sensibilité qu’on peut lui faire grief de cette technique d’interprétation. On arrive à éprouver tendresse et admiration pour son personnage, qui vieillit avec beaucoup de dignité, en dépit des conventions, et c’est à mettre au crédit de l’actrice.

 

May Robson n’est pas un nom beaucoup plus important aujourd’hui dans la mémoire cinéphilique que Diana Wynyard. Déjà âgée et s’étant fait une réputation au théâtre elle remplaça Marie Dressler initialement prévue pour Lady for a day  dans un rôle où l’on sent à tous les instants qu’il avait été pensé pour la star de la MGM et l’héroïne de l’ultra populaire Min and Bill autre histoire de figure maternelle à la fois comique et émouvante. Le film (visible en DVD, zone 2) est évidemment délicieux et on ne peut qu’être impressionné par la composition de Robson, vraiment crédible en vieille semi clocharde (certains gestes, comme le tic qu’elle a de vouloir rattacher en arrière sa chevelure négligée, sont criants de vérité), comme en fausse lady (ce que le scénariste rend plus ou moins réaliste en glissant qu’Annie la pomme a connu des revers de fortune). Cependant il faut bien reconnaitre que May Robson s’applique surtout à faire une excellente imitation de Marie Dressler en Min avec la même frénésie faciale, un peu lassante à mon goût. La différence principale réside dans le fait que le visage de Robson rend les maniérismes expressifs plus réalistes, moins cartoonesques, et partant plus touchants. Une empathie est possible donc, même si on sent bien que ce sont les mêmes gestes et les mêmes expressions qui se répètent. Personnage unidimensionnel Annie est surtout une nouvelle incarnation de l’amour maternelle, même si une certaine dureté dont le spectateur sent qu’elle est due à la misère, pointe à plusieurs reprises dans son interprétation. Capra raconte dans ses mémoires qu’il a dirigé l’actrice scène par scène avec des indications précises. On perçoit d’ailleurs que Robson ne se pose pas de question sur les directions à prendre. Annie est un personnage finalement mystérieux, et rien n’est fait pour réellement expliquer son passé et son présent. Dans l’interprétation de l’actrice, il est impossible de percevoir la moindre explication à son état. L’alcoolisme ? La misère ? L’abandon après une grossesse adultérine ? Mon jugement peut paraitre sévère, au vue de la réussite paradoxale de cette interprétation qui n’est jamais ridicule, ni hors de propos. Mais il me semble que, dans le même rôle et quoique moins naturelle, Bette Davis suggérait infiniment plus de choses et offrait des éléments de réponse.

 

Quoiqu’il en soit Robson donne sans aucun doute une interprétation qui a bien mieux vieilli, techniquement, que celle de l’oscarisée de cette année, Katharine Hepburn pour Morning Glory, troisième film de l’actrice. Elle joue une aspirante comédienne qui accède au succès. Le genre de rôle qui permet ce que les américains appellent « A star is born performance », parce qu’il donne l'occasion à une quasi débutante de faire montre de toutes ses qualités. Hepburn joue donc la carte du mélodrame au maximum et tombe systématiquement à côté du sentiment qu’elle est censée suggérer. On ne s’ennuiera jamais en voyant Kate Hepburn à l’écran et le film ne fait pas exception. D’ailleurs fiévreuse et hystérique pendant l’heure dix que dure le film elle peut faire illusion à la première vision mais ne résiste guère à une étude un peu plus approfondie. Le script est floue, confus, assez mal construit, mais surtout la manière dont l’actrice s’empare du rôle fausse totalement son personnage. On finit par comprendre, en suivant attentivement les dialogues (le film dans le coffret –z1- Katharine Hepburn de la Universal est sous-titré en français) Eva Lovelace est un jeune poussin humide, sincère et attendrissant qui se révèlera avoir les qualités d’une grande actrice. Hepburn interprète un bulldozer excentrique, extrêmement chic d’ailleurs. Quand cette jeune fille arrive à une réception à laquelle elle n’a pas été invitée, dans une robe à trois sous, au lieu d’être gauche et humiliée elle a toujours plus d’allure et est plus sûre d’elle que toutes les femmes présentes. De la même manière elle semble incapable de jouer la naïveté tendre de son personnage et la scène où elle lit la lettre de Shaw est extrêmement confuse elle aussi : on est incapable de déterminer si c’est du snobisme, un mensonge éhonté ou bien des sentiments vrais. En plus de ne pas parvenir à faire passer le caractère de son personnage elle a les mêmes défauts qu’on peut reprocher à Wyniard c'est-à-dire une exaltation parfois maladroite et des sentiments surexposés. La dernière séquence (« I’m nooooooot afraaiiiiiiid » hurle-t-elle à son habilleuse) est même risible. Bref la personnalité, le charisme (déjà extraordinaire) sont bien là, mais pour le reste … Cela dit Hollywood la découvrait depuis peu, admirait son extraordinaire personnalité et elle interprétait un rôle a priori très séduisant qui lui permettait même de réciter du Shakespeare.

 

Dans la foulée elle obtint le prix d’interprétation à Venise pour un film sorti la même année et qui aurait pu lui valoir également un oscar. Il s’agissait de son interprétation,  désormais légendaire, de Jo March dans Little Women de Cukor.  Difficile à évaluer parce que toutes celles qui sont venues après dans ce rôle célèbre l’ont imitée (avec parfois plus de bonheur que le modèle : je pense à June Allyson dans la version de 1949) et que tous les maniérismes de Hepburn en garçon manqué sont devenus pour la postérité ceux du personnage même. Pourtant je ne suis pas certain que la composition de la première partie du film fonctionne réellement. Encore une fois je ne trouve chez elle aucune réelle naïveté et la manière dont elle joue l’innocence, la brusquerie et la sympathie me semble un peu chargée. Ce qui n’empêche pas que toutes les séquences où elle est adulte d’être inspirées, incandescentes même. D’autant que Cukor la filme très bien et que son visage triste et ses larmes sont remarquablement cinégéniques. De plus elle fait preuve à d’autres moments d’une réelle drôlerie et sait quoi faire d’une réplique amusante. Peut-être pas l’interprétation idéale dont on nous a parlé longtemps, mais incontestablement une date importante dans sa carrière et un film pour lequel elle aurait mérité la distinction qu’on lui a accordée pour quelque chose de bien moins jouée. Trois ans après, pour Désirs secrets, elle montrerait que quand un rôle lui convenait il était difficile de la surpasser, sur aucun plan.    

 

Notre ami Peary sacre cette année Garbo pour La Reine Christine mais, curieusement, si le film est extraordinaire, j’ai assez peu de souvenir de l’interprétation de la Divine proprement dite. Mes choix se seraient ainsi portés :

 

·         Kay Francis pour Haute Pègre de Lubitsch (une des interprétations les plus éblouissantes que j’ai vues, une des plus drôles, des plus séduisantes, des plus  subtiles aussi. Un miracle d’élégance et d’alchimie avec son partenaire et quelques scènes anthologiques.)  

·         Helen Hayes pour L’Adieu aux armes de Borzage

·         Katharine Hepburn pour Les Quatre filles du Docteur Marsh

·         Miriam Hopkins pour The Story of Temple Drake (où une fois de plus Hopkins joue absolument sans concession un personnage atrocement complexe, vulgaire, lâche mais aussi victime de ses propres démons)    

·         Mary Pickford pour Secrets de Borzage

 

En dehors de Kay Francis les performances féminines que je préfère cette année là sont également comiques sans atteindre nécessairement à son brillant, mais ne sont pas des rôles de leading ladies : Marie Dressler et Jean Harlow dans Les Invités de 8h (dont je dirais un mot dans quelques temps. Patience) comme Elsa Lanchester dans La Vie Privée d’Henri VIII valent bien toutes les larmes du monde.   

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